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Sur la longue avenue baignée d’un soleil froid ;
je passais attentivement les carrefours rectilignes.

Ils vaquaient ; j’avançais, je progressais
sur une route trop droite.

Parmi les mille visages des passants déambulant,
je cherchais le tien, je voulais
l’apparition, la réalisation d’une coïncidence.
Je provoquais le hasard,
à défaut.

Les hordes se pressaient et je scrutais sans relâche, le coeur en éveil et les sens bondissants.
Fi des conséquences, je frissonnerai d’un regard.

Mais bientôt m’apparut mon propre visage me crachant :
« Qu’elle apparaisse ou non, connue dans le flot d’inconnus, qu’importe ;
ton obsession et tes pensées suffisent à sa présence. »

C’est en alors qu’en regardant mes entrailles ; je te vis souriante
remuer mes tripes pour en extraire l’élixir du souvenir,
une potion mithridatisante qui m’inocule le passé.

Futiles furent mes pensées, elles grandirent
ton carnage insatiable.

Eliot disait d’avril qu’il était le mois le plus cruel ; il devait sentir l’arrière-goût de la mort dans la fausse festivité qu’accompagne le retour du printemps. Bien à l’abri dans la gorge, la boule enchevêtrée des angoisses et des souvenirs, semble elle aussi sortir d’une relative hibernation. Elle vient déposer un voile sur le goût sucré des nouveaux fruits, les couleurs retrouvées des grandes avenues, le chamaillement des enfants dans le parc. Encore fragile et lacéré, je ne sortirais que prudemment, afin de tâter un terrain nouveau, de contempler les perspectives, d’évaluer les pertes.

Car au moment où nos âmes païennes et prosaïques célèbrent la nouvelle année fiscale, les morts s’agitent dans les tombes et nous fixent de leurs yeux impassibles. Ils savent que la victoire est leur, encore une fois – que nos artifices élaborés portent en eux notre abdication à affronter la longue faux.

Comme l’ange de Benjamin, l’envol vers l’avenir se fait les yeux dans le dos, plissant les paupières devant l’amas de ruines qui s’entassent. Et le tourbillon du temps qui traverse mes cheveux laisse derrière lui les plus cruels souvenirs, irrémédiables.

April is the cruellest month, breeding
Lilacs out of the dead land, mixing
Memory and desire, stirring
Dull roots with spring rain.
Winter kept us warm, covering
Earth in forgetful snow, feeding
A little life with dried tubers.
Summer surprised us, coming over the Starnbergersee
With a shower of rain; we stopped in the colonnade,
And went on in sunlight, into the Hofgarten,
And drank coffee, and talked for an hour.
Bin gar keine Russin, stamm’ aus Litauen, echt deutsch.
And when we were children, staying at the archduke’s,
My cousin’s, he took me out on a sled,
And I was frightened. He said, Marie,
Marie, hold on tight. And down we went.
In the mountains, there you feel free.
I read, much of the night, and go south in the winter.

T.S. Eliot, The Waste Land —

photo : (c) P. J. – garnison détruite

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